mercredi 26 octobre 2011

Bar rock bordello


Les chœurs acidulés et les tambourins des Mamas et des Papas laissèrent place à la voix rauque et à la guitare torturée du Vaudou Child. Hey Joe, où vas-tu avec ce flingue à la main? Quatre garçons se donnaient des airs de Robert Mc Guinn autour du billard 8 pools. Ils portaient des chemises cachemires et des vestes à franges.
J’étais assis au fond de ce café de la rue de la soif et les regardais comme je regardais le jukebox box clinquant, appréciant la facture et la justesse des détails. C’était mon anniversaire. Pas de quoi pavoiser ni afficher le chiffre des unités. La quarantaine suffisait.

Ça et là, des groupes de jeunes gens à rouflaquettes et de jeunes filles aux cheveux longs et raides s'agglutinaient autours de tables ovoïdes aux couleurs criardes. Ils parlaient musique apparemment. Certains se risquaient à citer Andy Warhol. L'orange et le mauve dominaient. La serveuse, un clone d'Anita Pallenberg, rappliqua, le sourire en bandoulière et la mini jupe plutôt mini. Elle repartit avec la commande, ondulant des hanches et fredonnant Lady Jane. La guerre du rock anglais et du rock américain n’aurait pas lieu ici. L’ambiance était parfaite.

Dans un coin de la salle, près du comptoir, une fille se leva. Elle entama un speech sur le soutien de la jeunesse française au juste combat contre la guerre du Vietnam. Elle dénonça la politique belliciste du président Lyndon Baines Johnson. Merde. Ils avaient pas lésiné sur les moyens. Un chouette cadeau pour mon anniversaire. Une soirée de septembre 68.

La serveuse revint avec une Margarita puis s’assit à ma table. Son service se terminait. J’étais son seul client. Bien sûr. Le café était bondé mais tous ces gens étaient des figurants. Des professionnels qui n’avaient laissé échapper aucun anachronisme.

Un putain de concept que ce bar à remonter le temps. Bernard m’en avait parlé il y avait environ six mois. J'étais son premier client. J'essuyais les plâtres. Je regardais le visage transparent d'Anita Pallenberg : c'était le cadeau personnel de Bernard. Je me suis demandé un instant s'il allait développer cet aspect du projet. Le bar à remonter le temps deviendrait-il la déclinaison branchée du bar à pute. Je me dis qu'il y avait de toute façon pire manière de jouer les rats de laboratoire.

Oui, tout était pour le mieux. Même si le XXI ème siècle s'annonçait bégayant, même si nous n'avions plus rien à dire. Ou peut-être juste ceci : un putain de concept que ce bar à remonter le temps.

1 commentaire:

  1. Ca me fait penser au film The game de David Fincher.

    J'aimerais bien me trouver dans un bar comme celui-ci, les années 60-70 et tout ce qui va avec ;-)

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